Mirage(s) est une
série développée à partir de 2010 et qui
compte environ 300 pièces. Elle est née de mon désir
de sincérité. Il s'agissait de représenter le plus
fidèlement ce que je ressentais en présence de certains
éléments extérieurs. Des moments qu'on pourrait
qualifier de sensibilité poétique ou d'émerveillement.
Photographier m'a semblé l'acte le plus approprié dans
la mesure où la situation extérieure, sa lumière,
sa matière était directement la source de mon émerveillement.
Cependant, quel que soit le soin apporté à la prise de
vue, celle-ci n'a jamais pû témoigner des sentiments qui
m'habitaient. Je ne capturais qu'une surface à laquelle manquait
une profondeur, un intérieur, une âme. C'était la
peau de l'ours mais sans le coeur battant.
Comme ces moments extatiques continuaient j'ai persévéré
dans mes tentatives. Un jour que le soleil semblait tout brûler
et dessinait à travers les rideaux et le panier malien qui était
accroché à ma fenêtre, je me suis approché
et dans ce contre-jour j'ai saisi les lames de l'osier : des lignes
noires et du rouge. C'était si abstrait que j'ai cessé
de vouloir photographier une situation, j'ai visé un extrait.
Le soir, à la lueur de l'ordinateur, comme dans une chambre noire,
j'évaluais mes photographies. La pure géométrie
des lignes du panier, la brûlure du soleil, cet ocre et ce noir
me semblaient porter une partie de l'Afrique. Je m'étais tant
rapproché qu'il me fallait en étendre la surface. En poursuivre
le dessin. Première symétrie sur l'axe vertical. Ca fonctionne.
Mais on peut aller encore plus loin. Deuxième symétrie
de haut en bas cette fois. Oui. C'est ça !
C'est dans Tristes Tropiques que Claude Lévy Strauss évoque
"l'esprit des paniers". Et bien ce jour là c'est ce
à quoi j'ai abouti. J'avais saisi l'esprit du panier. Il ne s'agissait
plus d'une représentation extérieure incapable de rendre
compte d'un monde intérieur, au contraire, j'avais sous les yeux
le témoignage parfait de mon émerveillement, et cette
oeuvre symétrique, centrée autour d'une âme, n'était
certes pas ce que mes yeux sur l'instant avaient vu, mais bel et bien
ce que mon coeur avait ressenti.